1. La définition
Définition : c’est le droit d’exiger :
- que l’autorité tienne ses promesses
- que l’autorité évite de se contredire
2. Les délimitations
Il faut distinguer entre deux institutions juridiques toutes les deux appelées bonne foi
mais qui possèdent un sens différent. Il s’agit de l’art. 5 al.3 Cst et de l’art. 9 Cst :
Art. 9 Cst :
Droit constitutionnel au respect des promesses faites par le droit administratif.
Art. 5 Cst :
Droit à ce que l’administration et les particuliers se comportent d’une manière conforme
au principe de la confiance :
- Treu und Glaube.
- ce n’est pas un droit constitutionnel
- pas de recours de droit public avec cet art. 5 Cst car ce n’est pas un droit
constitutionnel mais juste un principe de l’activité administrative.
Cet article 5 Cst oblige de manière générale l’administration et le particulier dans leurs
comportements : principe du comportement raisonnable. Il est plus flou et plus large que le
droit au respect des promesses de l’art. 9 Cst. Il s’impose au particulier et à l’administration
tandis que l’art. 9 ne s’impose qu’à l’administration et il recouvre toute une série de
circonstances.
Il faut toujours se demander si c’est l’art. 9 Cst ou l’art. 5 Cst auquel on a affaire.
Illustrations
1) l’administration doit respecter la sécurité juridique. Elle ne doit pas changer sa
pratique de procédure sans avertissement.
2) l’administré n’est tenu de faire quelque chose que dans la mesure où il devrait s’y
attendre.
Ex : on demande une dérogation pour passer une quatrième fois l’examen de Bachelor. On
part ensuite en vacances pendant six mois. On ne voit la lettre dont la réponse est « Non »
qu’à notre retour de vacances. On trouve ça injuste car si on veut faire recours, on ne le peut
plus car le délai est dépassé !
L’administration dit que le citoyen devait prendre des dispositions pour faire suivre son
courrier ou se faire informer. Il devait s’attendre à recevoir cette réponse.
3) l’administré a juridiquement raison mais le principe de la confiance collective prime.
Ex : SJ 2002 p.625 : un citoyen est attrapé à 140km/h sur un tronçon à 80km/h. Le citoyen se
défend en disant que le panneau de circulation est faux (la procédure pour mettre ce panneau
là, n’a pas été respectée). Le citoyen dit donc que le panneau est nul et qu’on ne peut pas lui
retirer le permis. Le TF répond que pour la sécurité routière, on doit respecter ce panneau
même si celui-ci est nul. C’est le principe de la confiance. Ce principe de confiance collectif
prime sur la légalité. Il ne faut pas mettre les autres usagers de la route en danger.
IUR II Aimée ZERMATTEN
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4) Correction d’une décision erronée.
Ex : SJ 1996, (p.157 polycop : à lire) : bonne foi et erreur de l’administration.
5) Problème lié à l’inaction de l’autorité. Le citoyen peut-il en tirer quelque chose ?
Ex : l’administration donne un renseignement faux (elle le sait) mais elle ne redit rien.
Ex : l’administration sait que la loi est violée mais elle ne dit rien.
6) L’inaction lie-t-elle l’administration ?
Oui si le principe de la confiance le demande. On ne peut pas profiter si l’administration ne
n’agit pas sauf si notre bonne foi nous protège.
Polycopié p.152 JAAC
Quand on a un cas d’inaction et que les conditions de la bonne foi (art. 9 Cst) sont remplies, le
citoyen est protégé. Il faut que le cas d’inaction donne le principe de confiance à
l’administration et que les conditions de bonne foi au sens de l’art. 9 Cst soient remplies.
Interdiction de l’abus du droit
Il y a un problème chez l’administré.
L’abus de droit est l’utilisation d’une institution judiciaire licite mais dans un but qui
n’est pas celui de cette institution et pour un profit.
Distinction entre le respect des promesses (art. 9 Cst) et les droits acquis
Ex :
Cas A
1) Promesse (loi --- promesse) rendue par l’administration : l’administré peut construire.
2) On lui dit après qu’il ne peut plus construire, ici c’est une promesse.
Cas B
1) Loi en vigueur : loi --- promesse + droit acquis --- nouvelle loi
2) Puis-je construire ? Oui.
Mais j’ai entendu dire que l’on va changer la zone ? Oui, c’est vrai.
Ici, on va faire un document à l’administré pour lui promettre que si la loi change, il pourra
quand même construire. C’est un droit acquis. Si la loi change elle ne sera pas applicable à
ce citoyen.
Avec une simple promesse (cas A), l’administration ne peut pas être liée par sa promesse si la
loi change. Car ce sont des promesses faites sur la loi d’aujourd’hui. Une promesse ne
protège pas contre un changement de droit, à l’inverse des droits acquis (cas B) !
Les droits acquis sont rares. Ils sont acquis par la loi, un contrat, une décision administrative,
ça doit être formalisé. Droits acquis formellement. Ils sont rares (jurisprudence restrictive) car
on a un problème de séparation des pouvoirs.
II. Le respect des promesses
1. Les diverses conditions
Art. 9 : respect des promesses
2 cas :
1) Droit à ce que l’administration ne rend pas des décisions contradictoires (très rare)
IUR II Aimée ZERMATTEN
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Il y a 3 conditions cumulatives où on peut se poser la question, y aura-t-il un respect des
promesses :
a) contradiction : dans des affaires semblables, il y a une opinion divergente de
l’administration à des étapes successives.
b) le comportement de la même autorité est divergent à des étapes successives
c) on a la même personne, le même destinataire mais on ne parle pas d’égalité de
traitement (dans ce cas, on a aussi les conditions a) et b) mais dans la c) on a au
moins deux personnes différentes)
2) Diverses conditions du respect des promesses au sens strict (tableau n°15, p.13)
Pourquoi dit-on que le respect des promesses est un correctif à la légalité ?
Car l’art. 9 a pour effet de maintenir une situation illégale au profit de l’administré. On fait
privilégier la bonne foi par rapport à la loi.
Il y a 5 conditions cumulatives :
1) une promesse effective c’est-à-dire l’assurance (elle peut-être conforme ou non au
droit, expresse ou tacite, écrite ou orale) de faire, de ne pas faire ou de tolérer quelque
chose.
Effective : l’administration doit connaître le cas. Une promesse est effective que si
c’est lié à un cas concret. Sinon, on est dans le renseignement général et pas dans une
promesse effective.
2) la promesse émane d’un organe compétent ou censé compétent. Pour savoir si l’organe
est compétent, on doit lire la loi.
« Censé compétent » : la promesse ne protège pas l’administré si celui-ci devait se
rendre compte que celui qui a rendu la réponse n’est pas compétent. (ex : si on
demande au concierge si on peut s’inscrire par fax depuis le Mexique on peut penser
qu’il ne sera pas compétent pour répondre à cette question.)
3) la promesse doit être de nature à inspirer confiance. Le droit au respect des promesses
ne vaut plus si le contenu de la promesse ne pouvait pas être pris au sérieux. Ainsi
avec des méprises grossières ou des erreurs reconnaissables d’emblée.
4) la promesse a fait que le bénéficiaire a adopté un comportement préjudiciable (ex : un
citoyen a acheté un terrain qu’il ne pourra plus vendre ou alors en perdant plus
d’argent que ce qu’il a investi dans ce terrain car il a pris des « mesures
dommageables ».
5) l’identité de l’état de droit. Il n’y a pas eu de changement de législation intervenu
depuis la promesse. Car si la loi change, la promesse n’a plus de portée (sauf avec les
droits acquis). Les droits acquis restent avec un changement de loi tandis que le
respect de la promesse non.
Remarques :
Certains auteurs disent qu’il y a une sixième condition :
6) Identité de l’état de fait. Selon Zufferey, d’après la première condition, cela doit être
sur un état de fait précis. Si l’état de fait change, problème, ça ne marche plus ! Cette
sixième condition est englobée dans la première condition.
2. Quelques indications complémentaires à partir de cas particuliers
Il y a un nombre de cas où le législateur a codifié ce droit au respect des promesses. A ce
moment-là, la loi prime.
IUR II Aimée ZERMATTEN
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Ex : avec les autorisations préalables.
mécanismes intermédiaires
1) Projet directive 2) on nous donne une autorisation 3) on peut construire
Avec ce schéma, on s’est rendu compte que c’était quand même un peu simple…
On a inventé des mécanismes intermédiaires afin d’obtenir l’avis de l’administration sur des
bases (car si on monte tout le projet et qu’au final, on n’obtient pas l’autorisation, on va
perdre de l’argent). On a donc une autorisation préalable ici.
On peut avoir des problèmes avec cette autorisation préalables :
- on a un problème par rapport à l’autorisation définitive. L’autorisation préalable est
valable mais on refuse l’autorisation définitive. On se demande quelle est la valeur de
l’autorisation préalable. On dit que celle-ci est contraignante mais l’administration sait
qu’il y aura une autorisation définitive après et que l’autorisation définitive n’est pas
liée (bonne foi codifiée) par l’autorisation préalable.
- on a codifié également le droit au respect des promesses. Mais parfois on a rajouté
des conditions. Et dans ce cas, la loi prime, on va devoir respecter les conditions en
plus. Comme s’est dans la loi, le citoyen ne pourrait pas se prévaloir du respect aux
promesses. Le citoyen, qui a demandé une autorisation préalable, peut décider de la
mise à l’enquête publique ou non. Après coup, celui qui n’aura pas réagi pendant le
délai pour la mise à l’enquête, ne pourra plus réagir car c’est dans la loi.
Trois remarques :
1) Il y a des cas dans lesquels le législateur a codifié le respect des promesses.
Ex : il y a un chapitre dans la LATEC sur l’autorisation préalable dans lequel on a un
article qui codifie la bonne foi (respect des promesses).
2) La bonne foi s’applique aussi en procédure. On a par exemple de nombreux cas de
jurisprudence avec les délais (les délais sont très importants).
Ex : art. 38 PA : « notification irrégulière… » - Art. 28 al.3 CPJA
La notification est une communication à l’administré.
La bonne foi protège l’administré qui a reçu une information erronée. Ex : on
reçoit une décision administrative qui ne nous plaît pas. Dans la décision, on a écrit les
moyens de faire recours (voie de recours, délais,…) au bas de la décision. C’est
désormais presque partout obligatoire de mettre les moyens de recours au bas de la
décision (ex : art. 66 CPJA). Si cette indication est fausse (indication erronée du, délai
ou de l’instance) l’administré est protégé dans sa bonne foi.
On doit aussi examiner si l’administré pouvait de bonne foi savoir que le délai était
erroné. Dans ce cas, la justice est très sévère avec les juristes ou les avocats qui
devraient connaître les délais ou sinon être capables de les vérifier.
Quand il n’y a pas d’indication de la voie de recours ou s’il y a une erreur, la
jurisprudence traite ça comme une notification irrégulière. Dans ce cas donc, l’avocat
devra écrire à l’administration et demander que celle-ci envoie une notification
régulière cette fois. Et le délai partira de cette nouvelle décision.
La bonne foi se trouve des deux côtés : celui qui constate une notification irrégulière
doit en faire part à l’administration tout de suite (≠ pas attendre trois mois).
3) fonder sa bonne foi sur des actes législatifs, quid iuris ?
ATF 123 II 325
IUR II Aimée ZERMATTEN
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Ex : un projet d’ordonnance est public. Un administré dit qu’il s’est basé sur ce projet.
Mais un acte législatif ne peut pas justifier un sentiment de confiance dont le
justiciable pourrait se prévaloir. Un acte législatif en préparation ne peut pas remplir
la première condition de la bonne foi car il ne s’inscrit pas dans un rapport concret et
individuel et c’est ce qui est important avec la première condition de la bonne foi.
3. Les effets du droit
L’autorité est tenue de respecter sa promesse. La bonne foi lie l’administration si les
conditions sont remplies.
Ce chapitre 9 est en fait un correctif à la légalité
Exception : il n’y a pas d’obligation de respecter la promesse même si les conditions sont
remplies lorsque l’Etat doit respecter un intérêt public impérieux. Si on est dans ce cas,
on va compenser la perte du droit de l’administré : on appelle ce mécanisme l’expropriation.
L’administré aura une indemnité en équité (il ne va pas s’enrichir).
ATF p.161 à 163 : M. De Cicco veut savoir si lorsqu’il va retourner s’établir en Italie, il
recevra encore de l’argent de l’AI. Il téléphone à la Caisse de Neuchâtel avec lequel il a
l’habitude de traiter et pose la question. L’employé lui répond que oui. Il écrit donc une lettre
suite à cet entretien téléphonique pour mettre les choses par écrit. En Italie, il ne reçoit pas son
argent, donc il se renseigne et apprend que la Caisse de Neuchâtel n’était pas compétente pour
lui répondre (avec les étrangers domiciliés ailleurs, on doit s’adresser à la Caisse fédérale) et
qu’en plus, on verse pas l’AI à l’étranger. Ensuite, M. De Cicco va revenir en Suisse
(déménagement,…) pour entamer un procès qu’il va gagner.
Pour résoudre ce cas, on va voir si les cinq conditions sont remplies (p.163 de l’ATF). Ici, M.
De Cicco a gagné son affaire et a été protégé dans sa bonne foi. La promesse de la Caisse a
triomphé. M. De Cicco a recouru pour se faire payer les mois passés en Italie. La conséquence
est que ça fonctionne comme correctif à la légalité. Si M. De Cicco était resté en Italie, on
aurait continué à le payer, la violation de la loi aurait donc pu durer pendant des années.
Si M. De Cicco ensuite demande de l’argent car il a dû déménager avec toute sa famille et
qu’il a eu de nombreux frais, on ne peut pas dans ce cas se fonder sur ce droit constitutionnel
(bonne foi). Pour agir dans ce sens (frais,…), on va devoir utiliser la responsabilité civile de
l’Etat, on va donc ouvrir une action en responsabilité de l’Etat. Mais dans la pratique, c’est
tr
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