dimanche 26 avril 2015

UNE EXTENSION DES POSSIBILITES DE PERSONNALISATION DES PEINES dans droit français

I/ UNE EXTENSION DES POSSIBILITES DE PERSONNALISATION DES PEINES

La personnalisation des peines s'est traduite par un renforcement des pouvoirs du juge tant lors de leur prononcé que de leur exécution, marquée aussi par une juridictionnalisation des décisions prises en la matière.

I/I/ UN RENFORCEMENT DE LA PERSONNALISATION DES PEINES LORS DE LEUR PRONONCE 

A/ Des pouvoirs d'aménagement de la peine élargis

Le juge, qui selon l'article 132-24 CP "prononce les peines et fixe leur régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur", doit choisir tant la peine que son régime.
A/I/ Une plus grande liberté dans le prononcé de la peine
En renonçant à imposer au juge des peines accessoires, puisque "aucune peine ne peut être appliquée" s'il ne l'a pas "prononcée" et des peines obligatoires, une seule des "des peines encoures" pouvant être prononcée, l'article 132-17 CP n'entrave pas sa liberté qui porte tant sur le choix de la peine que sur son quantum.
S'agissant de la liberté du juge dans le choix de la peine, celle-ci poussée très loin dès la loi du 11 juillet 1975, a été encore élargie par le code adopté en 1992, d'autant qu'elle ne concerne plus seulement les délits.
En matière délictuelle, la liberté du juge a été étendue par la possibilité de remplacer des peines principales.
Dès 1975, le législateur avait prévu de pouvoir remplacer une peine d'emprisonnement par des peines d'interdiction professionnelle, de confiscation, de privation de droit, alors qualifiées de peines de substitution.
Ce mécanisme fut complété par la loi du 10 juin 1983 en étendant cette faculté de substitution à deux des peines principales correctionnelles nouvellement créée, le travail d'intérêt général et les jours amende. 
Qualifiées lors de la réforme du code pénal de peines alternatives à l'emprisonnement, ces peines n'ont pas toutes perdu leur caractère de substitutif à l'emprisonnement puisque, comme le jour-amende, des peines alternatives ne sont prononçables qu'en cas de commission d'un délit puni d'un emprisonnement.
Pour les délits punis seulement d'une peine d'amende, la loi du 9 mars 2004 a permis de la remplacer par des peines privatives ou restrictives de droit [art. 131-7 CP], étendant ainsi le mécanisme des peines alternatives.
La loi du 9 mars 2004 a créé un stage de citoyenneté et une interdiction de paraître dans certains lieux venues compléter la liste des peines principale [art. 131-4 CP] et des peines complémentaires [art. 131-6 CP].
La liste des peines complémentaires qui sont des peines privatives ou restrictives de droit a été enrichie par une peine de sanction-réparation introduite par la loi du 5 mars 2007 pour indemniser le préjudice subi.
L'extension du caractère alternatif des peines privatives ou restrictives de droit à l'amende, au-delà de l'amende correctionnelle, a visé aussi les contraventions de 5ème classe, où ces peines ont été transposées.
Elle ne peuvent être que des alternatives à l'amende, avec la fin de l'emprisonnement contraventionnel.
Enfin, la personnalisation des peines est possible en matière criminelle où les peines de réclusion et de détention ne sont plus exclusives de peines "d'amende…ou de…peines complémentaires" [article 131-2 CP].
S'agissant de la liberté du juge quant au quantum, sa fixation ne se fait plus qu'au regard du maximum prévu.
Le juge a toute latitude pour abaisser le montant de l'amende, fixée au vu "des ressources et des charges de l'auteur de l'infraction" [art. 132-24 CP], sans avoir besoin de se justifier par des circonstances atténuantes.
Cette recherche d'une souplesse a conduit la loi du 24 novembre 2009 à abaisser de 40 à 20H la durée minimale d'une peine de travail d'intérêt général, tout en la rendant compatible avec un placement électronique.
De même, l'emprisonnement s'exécutant par fraction d'une journée, c'est la durée minimale censée pouvoir être prononcée, en théorique vu le peu de sens d'une telle sanction qu'il faudrait de surcroît motiver. 
Ce n'est qu'en cas de "récidive légale" qu'il n'y a plus à motiver une peine d'emprisonnement [art. 132-19 CP], qui doit par contre, depuis la loi du 24 novembre 2009 "faire l'objet" d'un aménagement [art. 132-24 CP].
A/II/ Des pouvoirs nouveaux dans le choix du régime de la peine
Les réformes successives ont cherché à éviter au maximum les conséquences d'un d'emprisonnement ferme, en jouant sur certaines conditions d'octroi des sursis et les aménagements de peines, franchissant avec la loi du 24 novembre 2009 une nouvelle étape pour n'envisager l'emprisonnement qu'"en dernier recours" [art. 132-24 CP].
En relevant le seuil d'emprisonnement autorisant son exécution sous forme de semi-liberté [art. 132-25 CP], d'un placement à l'extérieur [art. 132-26 CP], d'un placement sous surveillance électronique [art. 132-26-1 CP] ou par fractionnement [art. 132-27 CP], le législateur a facilité l'accès à ces modes de personnalisation.
Ce seuil déjà relevé de 6 mois à 1 an lors de la réforme du code pénal, a été porté à 2 ans par la loi du 24 novembre 2009 qui a élargi aussi les motifs permettant de recourir à certains modes de personnalisation.
Le régime de la semi-liberté ou le placement sous surveillance électronique sont aussi accessibles si le condamné justifie "de l'existence d'efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout..projet…d'insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive".
Le fractionnement qui avant la réforme du code pénal ne s'opérait que lors de la phase d'exécution et ne concernait que l'amende, a été élargi à cette occasion aux jours-amendes et à la suspension du permis de conduire.
S'agissant des sursis, la réforme du code pénal a élargi l'application du sursis simple, au-delà de son extension aux personnes morales, à des peines complémentaires [sauf la confiscation… - art. 132-31], tout en exigeant une absence de condamnation à une peine privative de liberté dans les cinq ans précédant les faits.
Par contre, ce passé n'est pas pris en compte pour les sursis assortis d'une mise à l'épreuve ou de d'un travail d'intérêt général, le seul applicable aux mineurs [article 20-5 de l'ordonnance du 2 février 1945]. 
En effet, si le code pénal a subordonné l'octroi de ces sursis à la durée de l'emprisonnement prononcé [5 ans au plus], cette durée a été portée à 10 ans au plus par la loi du 12 décembre 2005 en cas de récidive.

B/ Des pouvoirs d'exclusion de la peine complété
Pouvoir refuser de prononcer la peine si la personnalité de l'auteur l'exige, permet au juge de parvenir à une personnalisation extrême, que la réforme du code pénal a complété en systématisant l'ajournement avec injonction pour contraindre l'auteur de manquements à certaines obligations, de se conformer à des prescriptions.
Cette déconnexion entre la responsabilité et la peine est bien antérieure à la réforme du code pénal.
C'est la loi du 11 juillet 1975 qui a permis que cette indulgence extrême ne soit plus seulement obtenue par un acquittement ou une relaxe, ou par une exemption de peine qui relève d'une individualisation légale.
Puisque cette exclusion de peine s'impose, on ne peut parler de dimension individualisante du jugement, à la différence des mesures nées des lois du 11 juillet 1975 et 6 juillet 1989 qui ouvrent un débat sur l'opportunité de la peine dont le juge peut dispenser le prévenu ou ajourner le prononcé, une fois la culpabilité établie.
Le coupable peut être dispensé de peine indépendamment de son passé ou de la gravité des faits, dès lors que son "reclassement" est acquis, que le "dommage est réparé et que le trouble résultant de l'infraction a cessé".
Pour atténuer les conséquences de l'infraction, dont la seule trace est la condamnation du prévenu aux frais du procès, le code pénal a permis au tribunal d'exclure du casier judiciaire la mention de sa décision.
Sans attendre la réalisation de ces conditions, le juge peut ajourner sa décision sur la peine en l'assortissant au besoin d'une mise à l'épreuve, dès qu'il "apparaît que le reclassement du coupable est en voie d'être acquis, que le dommage causé est en voie d'être réparé, et que le trouble résultant de l'infraction va cesser".
Lors du jugement auquel doit assister le prévenu, ou le représentant de la personne morale, le juge reporte d'un an au plus la date de l'audience, afin de suivre les efforts du prévenu sur qui la peine continue de peser.
C'est à l'échéance qu'il sera dispensé de sa peine, qui pourra aussi être prononcée ou encore ajournée.
Depuis la loi du 9 mars 2004, le juge de l'application des peines peut, après un ajournement avec mise à l'épreuve, prononcer, sur accord du procureur de la République, la dispense de peine trente jours après l'audience de renvoi.
D'autres dispositions ont renforcé la compétence du juge de l'application des peines lors de leur exécution.

I/II/ UNE JURICTIONNALISATION DE LA PERSONNALISATION DES PEINES EN COURS D'EXECUTION

La loi du 9 mars 2004 a parachevé un mouvement de juridictionnalisation de l'application des peines en permettant de faire appel de toutes les décisions du juge d'application des peines et du tribunal de l'application des peines devant la chambre de l'application des peines [une chambre de la Cour d'Appel] ou devant son président.
Le juge de droit commun de l'exécution des peines reste le juge d'application des peines, dont les pouvoirs ont été renforcés par la loi du 24 novembre 2009, qui lui permet aussi dès "qu'il l'estime nécessaire… de renvoyer le jugement de l'affaire devant le tribunal de l'application des peines" [article 712-6 CPP].
Il a donc un rôle essentiel en matière de personnalisation des peines, quelle que soit la nature de la peine.

A/ La personnalisation des peines privatives de liberté 
Les décisions du juge d'application des peines ont été juridictionnalisées y compris celles assimilées à des mesures d'administration judiciaire [réduction de peine, réductions de délai d'épreuve, autorisations de sortie sous escorte et permissions de sortir], parallèlement à un renforcement de ses pouvoirs de personnalisations.
Ses décisions sont prises après un débat contradictoire en présence du condamné, assisté au besoin d'un avocat, voire, depuis la loi du 24 novembre 2009, de l'avocat de la partie civile pour les demandes de libération conditionnelle pour des personnes condamnées à une peine privative de liberté de 5 ans au moins [article 730 CPP].
Il s'agit d'un élargissement de la faculté qui existait déjà devant le tribunal de l'application des peines.
Certaines mesures visent à personnaliser la durée d'exécution de la peine, pour la réduire ou l'aménager.
Les réductions de peines sont les principales mesures destinées à réduire la durée d'une peine, qui peut aussi l'être par le biais de commutations et de remises de peines liées au droit de grâce du chef de l'Etat.
Le régime des réductions de peines, malgré des modifications récentes, garde une certaine automaticité.
Des réductions de peine complémentaires sont toutefois prévues en cas d'efforts sérieux de réadaptation.
Le législateur tend à les favoriser, puisque leur exclusion à toute personne condamnée pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, peut être reconsidérée par le juge d'application des peines.
Les aménagements de peines par une suspension ou un fractionnement de la peine ont été facilités par la loi du 24 novembre 2009 qui a là aussi abaissé le seuil aménageable d'1 an à 2 ans d'emprisonnement [article 723-1 CPP]. 
Ce seuil est également celui désormais prévu pour l'aménagement des modalités d'exécution de la peine. 
Certaines mesures [placement à l'extérieur, semi-liberté, placement sous surveillance électronique - art. 723-19 CPP], pour la préparation desquelles l'octroi d'une permission de sortir [art. 723-23 CPP] par le juge d'application des peines se trouve assoupli par la loi du 24 novembre 2009, visent un retour partiel à la liberté. 
Les mesures de placement sous surveillance électronique [art. 723-7 CPP], placement à l'extérieur ou semi-liberté [art. 723-1 CPP] peuvent servir, à titre probatoire à conditionner une libération conditionnelle, qui constitue un retour anticipé à la liberté si la peine accomplie représente au moins la moitié de celle restant à subir.
Depuis la loi du 24 novembre 2009, une peine d'emprisonnement ne devrait plus être aller jusqu'à son terme.
Pour les peines de 5 ans au plus d'emprisonnement, en l'absence d'aménagement ordonné 6 mois avant la date d'expiration de la peine, les 4 mois s'exécutent par placement sous surveillance électronique [art. 723-28 CPP].

B/ La personnalisation des peines autres que privatives de liberté 
B/I/ Les modes de personnalisation des peines communs à plusieurs peines
On peut rattacher à ces modes d'aménagement des peines, des causes d'extinction de la peine comme la grâce ou le relèvement des peines accessoires et complémentaires qui peuvent s'appliquer à une partie de la peine.
La suspension ou le fractionnement sont des modes de personnalisation appliqués à toute peine de police ou correctionnelle non privative de liberté [art. 708 CPP], soit plus largement que lors de la phase de jugement.
L'originalité tient à ce que la décision émane du ministère public ou, sur sa proposition, de juges du siège. 
B/II/ Les modes de personnalisation des peines propres à certaines peines
La "juridiction qui a prononcé" la suspension du permis de conduire peut en aménager l'exécution [art. 702-1 CPP], ce qui pour l'interdiction de séjour et le travail d'intérêt général relève du juge de l'application des peines.
Celui-ci peut aussi décider de suspendre la peine d'interdiction de séjour [762-5 CPP] et convertir une peine de travail d'intérêt général en jours-amende, ce qui réduit les limites à l'aménagement de cette peine.

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