Deux questions typiques du droit administratif
1. L'ordonnance administrative (la directive)
1.1. La notion (parmi les autres types d’ordonnances)
Il s’agit d’une ordonnance issue d’une autorité administrative supérieure à l’intention de
l’autorité inférieure et dont seule celle-ci est destinataire et obligée par la directive. Elle
ne concerne donc pas le citoyen. Il ne s’agit donc pas d’une règle de droit ou d’une source
de droit. Partant, on n’a pas besoin d’une base légale pour avoir une compétence de
l’administration.
On a des directives dans tous les domaines de l’administration. Ces directives sont habituelles
et officialisées. L’administration sait que la directive est attendue donc elle la publie de façon
organisée (présence d’un recueil systématique). On les trouve surtout dans les domaines
économique et financier (elles sont nombreuses en droit fiscal par ex.). Avant de produire une
directive, l’administration fait une consultation (consultation d’un groupe de citoyens)
Ex : En droit fiscal. La législation fiscale nous donne les principes, l’ordonnance nous donne
les détails mais on n’a rien sur la pratique fiscale ! Et il est clair que dans ce domaine, on ne
peut pas donner de conseil si on ne connaît pas les directives !
1.2. Les délimitations
La distinction entre les directives et les décisions administratives n’est pas aisée.
Il y a plusieurs concepts avec lesquelles il ne faut pas confondre la directive avec :
- l’instruction
- le renseignement
- la recommandation
- la décision constatatoire
ATF 121 p.126ss (polycopié) : qualification fiscale d’un produit d’investissement
Les banques, les assurances, etc. passent beaucoup de temps à trouver des produits
fiscalement attractifs pour attirer la clientèle. En Suisse, on a l’absence d’impôt sur le gain et
capital (ex : le gain que je fais entre l’achat et la vente de mon action en bourse). Un autre
avantage fiscal réside dans la prévoyance professionnelle car on veut inciter les gens à
planifier leur retraite. Ainsi, ce qu’on investit dans le troisième pilier peut être déduit du
revenu.
Dans notre ATF, l’administration fédérale des contributions (AFC) dit que l’élément de la
prévoyance professionnelle (assurance) est minime et donc ce produit ne peut satisfaire au
privilège fiscal.
Art. 44 de la PA (art. 113 CPJA fribourgeoise) disent qu’une décision peut être sujette à
recours. Si on n’a pas de décision au sens formel, il n’y aura pas de recours.
Ici, avant de se prononcer dans la lettre, on dit (p.476 de l’ATF) que le refus de l’AFC de se
prononcer est une décision. Mais d’un autre côté, on dit que l’AFC a écrit une lettre ce qui ne
peut pas être considéré comme une décision.
IUR II Aimée ZERMATTEN
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AFC DFF FF / RDA
Lettre Réponse qui n’est pas une décision 1) Décision
(le refus de statuer…
décision d’irrecevabilité)
2) Décision
D’abord on a une question de recevabilité et ensuite une question sur le fonds. Si on dit que
c’est irrecevable c’est une décision et on peut recourir aussi contre cela (car c’est une
décision). La définition de décision administrative se trouve à l’art. 5 PA.
ATF p.478 au fond : on parle des instructions internes.
Les instructions internes ne sont pas des directives.
1) Office 2) Département 3) G
A) Directive / Instruction
Ex : La demande de permis de séjour de quelqu’un de très connu dans son pays. On donne une
instruction à ce sujet dans un cas concret. Et c’est possible de donner un ordre en vertu du
principe de la hiérarchie administrative.
L’instruction est une directive pour un cas concret.
La directive administrative est abstraite et générale (≠ pour une situation concrète). C’est une
pratique !
B) Directive / Renseignement
ATF p.479 petit c : avec les renseignements, on répond à une question de l’administré. On lui
dit comment la loi s’applique. On ne peut pas recourir contre un renseignement. A ce niveau,
on voit qu’il y a un problème si le renseignement est faux. Les renseignements n’ont une
portée juridique qu’au moment où l’on peut invoquer une violation du principe de la bonne
foi. Si le citoyen pouvait croire (avait de fortes raisons de croire) à ce qu’on lui disait et qu’il a
pris des dispositions à cause de ces déclarations (fausses), la bonne foi va agir, ici, comme
correctif.
Ex : On a construit malgré un danger d’avalanche. On avait dit au citoyen que ce n’était pas
une zone dangereuse. Ici, on ne regardera pas la bonne foi, mais on se dira que c’est peut-être
un acte illicite de l’administration. Partant, ce sera donc un problème de responsabilité.
C) Directive / Décision constatatoire
ATF let. d : la décision constatatoire est une décision administrative (art. 5 PA : « mesure
dans un cas concret fondée sur le droit public, contraignante ». Mais let. b : « constate » ).
La société d’assurance dit que cette lettre constate l’inexistence du droit de bénéfice d’un
privilège fiscal, c’est en quelque sorte une manifestation de volonté qui dit cela.
Les art. 25 al.2 PA et Art.25 nouveau PA : on peut y voir une décision si le citoyen a un
intérêt digne de protection (intérêt légitime à ce que l’administration donne une décision).
L’AFC n’est pas une autorité en matière d’imposition fédérale directe car ce sont les cantons
qui sont compétents pour la taxation. Ainsi, si l’AFC n’est pas compétente pour rendre ces
IUR II Aimée ZERMATTEN
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décisions, elle n’est peut-être pas compétente pour rendre une décision constatatoire. La lettre
peut tout au plus être une recommandation.
D) Directive / Recommandation
On ne peut pas recourir contre une recommandation. Il faut pour recourir avoir affaire à une
décision. L’AFC ne peut pas se comporter comme un conseiller fiscal (et dire aux gens ce
qu’ils doivent faire) donc on peut qualifier cette lettre de recommandation et de
recommandation uniquement destinée aux autorités cantonales.
Conclusion, p.482 consid. a) :
Attention à ne pas confondre la directive administrative avec les autres notions.
La directive administrative est générale et abstraite.
Les recommandations contiennent des opinions informelles à travers lesquelles l’Etat
manifeste sa conception du droit
1.3. Les effets (juridiques)
A ce sujet, il faut voir l’arrêt de Davos qui comporte une directive de la police qui interdisait
lors du forum à des manifestants de venir (portée de la directive).
Puisque les directives ne sont pas des sources de droit, cela a quatre conséquences juridiques :
1) l’administré citoyen ne peut pas se plaindre de la violation d’une directive en recours. On
ne peut recourir que contre une violation de la loi. De plus, la directive n’est pas destinée au
citoyen.
2) la directive ne lie pas l’autorité de recours (le tribunal). Le tribunal ne doit vérifier que le
respect de la loi (ordonnance d’exécution) et pas celui de la directive.
3) il n’y a pas de recours abstrait contre ces directives. On parle de contrôle abstrait lorsque
l’objet du contrôle est la loi elle-même, on dépose alors un recours directement contre la loi
(cantons suisses). On parle de contrôle concret lorsque l’objet du contrôle est une décision
d’application de la loi
4) les directives n’entrent pas en vigueur pour le citoyen. Le citoyen ne peut pas réclamer à
l’administration d’appliquer la directive. Car le destinataire c’est l’administration. La seule
chose que le citoyen peut réclamer c’est l’application de la loi :
requête du citoyen directive (étude d’impact pour construire) l’administration rend une décision mais on va dire,
faites une étude d’impact ! **
** le citoyen va dire : la directive est arrivée après ma requête. Mais l’administration lui
répondra que la directive ne concerne que l’administration. La directive ne change pas la loi.
Le citoyen ne peut pas jouer avec l’entrée en vigueur de la directive. Le citoyen va sûrement
dire que la loi dit qu’il n’y a pas d’étude d’impact mais l’administration lui répondra que la loi
est mieux appliquée avec l’étude d’impact. Dans ce cas, il n’y a aucun problème avec l’entrée
en vigueur.
Exception à ces quatre conséquences :
Le TF dit que lorsque une ordonnance administrative a indirectement des effets externes sur
le citoyen, alors on peut assimiler l’ordonnance administrative à une règle de droit et le
recours est ainsi possible !!!
IUR II Aimée ZERMATTEN
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Mais attention : en pratique, le citoyen a toujours l’impression qu’il y a un effet externe alors
que ce n’est pas forcément le cas.
DEP, 1995, p.132
Ex : ATF 98 1a 508 : une ordonnance zurichoise sur les hôpitaux règle la procédure du décès
et les transplantations. Il y a des directives internes qui disent comment pouvoir prendre les
organes,… Il est bien clair que ces directives visent en premier lieu le personnel médical de
l’hôpital mais il est aussi vrai qu’on peut y voir un effet externe juridique sur la famille du de
cujus (le défunt auquel on désire prélever des organes). Il y a un effet de droit, donc c’est une
ordonnance législative contre laquelle on va pouvoir recourir.
2. La clause générale de police
Définition : principe constitutionnel fédéral ou cantonal selon lequel le gouvernement peut
prendre des mesures de police (ex : fermer un bistrot car on y vend trop de coca) ou des
mesures matérielles (ex : envoyer des pompiers pour fermer une route) afin de protéger
l’ordre public, les biens de l’Etat ou des administrés contre des atteintes graves, directes et
imminentes que l’Etat n’est pas en mesure de détourner par un moyen légal.
Justification : même si on est dans un Etat de droit, le principe de la légalité ne doit pas
entraver l’ordre public. On doit toujours voir s’il y a une base légale. La seule exception c’est
avec la clause générale de police. Lorsqu’un Etat est dans une situation d’urgence, il peut
utiliser la clause générale de police.
Idem pour les ordonnances de police qui sont des lois de substitutions (elles ne sont pas
fondées sur la loi formelle mais directement sur la Constitution [pour le Conseil Fédéral par
exemple, voir l’art. 185 al.3 Cst])
Ex : la commune de Salavaux décide d’interdire un concert de skinheads. On redoute des
actes de violence. Le conseiller d’Etat décide donc d’interdire ce concert. Il se base pour ce
faire sur la clause générale de police car il y a une sérieuse rumeur comme quoi il va y avoir
ce groupuscule, réputé comme néo-nazi, dans la commune de Salavaux. Il n’y a pas de
législation, d’acte législatif qui puisse être utilisé pour interdire le concert donc c’est pour ça
que le gouvernement va intervenir à l’aide de la clause générale de police.
On parle d’atteintes graves, directes et imminentes, cela est une question de fait.
Mais peut-on dire dans les circonscriptions que l’ordre public est touché ?
L’ordre public est le noyau dur de l’intérêt public. On entend par là, les biens absolument
nécessaires à la vie en société. Ces biens sont : la tranquillité, la sécurité, la salubrité, la
moralité et la bonne foi en affaire.
Si on voit qu’il y a un danger et que les moyens légaux normalement à disposition ne suffisent
pas, on doit trouver une solution immédiate.
Mais les principes constitutionnels restent applicables. En pratique, c’est en particulier le cas
de la proportionnalité (ne pas tomber dans l’arbitraire). Cependant, la clause générale de
police doit rester l’ultima ratio.
Se défendre contre une clause générale de police :
- Si elle est prise sous la forme d’une ordonnance de police et qu’elle est fédérale
(décidée par le CF), ce sera un recours de droit administratif au TF mais uniquement
contre la décision. Le TF ne va pas examiner l’opportunité (normalement, lorsque l’on
recourt c’est pour un de ces trois motifs : loi, faits, opportunité [consiste dans l’usage
de la liberté du pouvoir d’appréciation]
IUR II Aimée ZERMATTEN
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- Si c’est le Conseil d’Etat (donc pas le CF), c’est soit un recours de droit public contre
la décision d’application (84 OJ) soit un recours abstrait contre clause générale de
police (84 OJ) (recours abstrait contre intérêt virtuel [on va ‘attaquer’ notre intérêt] où
l’on conteste la validité, la constitutionnalité de l’acte législatif.)
- Si c’est une décision dans un cas concret, ce sera un recours ordinaire pour un acte
administratif
Arrêt p.38-39 du polycopié [à lire consid. B et p.198 consid. c !!!]
Une maison se trouve devant une route cantonale. Devant cette maison il y a deux places de
parc. Pour sortir de ces deux places de parc, il faut faire une marche arrière sur la route
cantonale ce qui est plutôt dangereux (presque l’accident à chaque fois).
On a voulu régulariser cette situation de place de parc. Partant, le conseil communal a décidé
d’empêcher même le propriétaire de se parquer là et a dit qu’il fallait ‘détruire’ ses places de
parc (cas d’application de la clause générale de police). Ici, il y a un danger c’est la sécurité
routière. Mais il y a un problème avec la clause générale de police, car elle doit être utilisée
comme ultima ratio sinon on doit passer par la voie législative. Dans notre cas, ils auraient pu
passer par une ordonnance législative (donc faire un règlement communal)
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