Les correctifs à la légalité
IUR II Aimée ZERMATTEN
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1. Les correctifs en général
Voir tableau p.15
Du point de vue de l’Etat vers le citoyen :
- mécanismes dans la loi
o liberté d’appréciation (dans l’application de la loi)
o latitude de jugement (dans l’interprétation de la loi)
- mécanismes praeter legem
o clause de police : on prend des décisions sans loi. C’est une forme
d’assouplissement, elle est puissante mais rare.
o arbitraire (malgré la loi) : il existe quelques cas où le TF dit la loi est très claire
et elle doit s’appliquer mais si j’applique cette loi, le résultat sera arbitraire
(déraisonnable). Donc le TF va pouvoir s’écarter de la loi.
Ex : loi forçant un propriétaire de bateau à payer une taxe alors que ce dernier
n’a plus de bateau.
Rappelons que l’arbitraire est rarement utilisable.
Du point de vue de l’administré :
- BF : correctif à la légalité mais il y a sept conditions à remplir pour la BF. Si ces
conditions sont remplies même si la solution est contraire à la loi on va l’accepter. La
légalité s’efface face à l’intérêt privé (par ex.)
- droit acquis : c’est en quelque sorte une BF qualifiée. C’est une institution qui résiste
à la loi. On va dire à l’Etat : cette loi ne m’est pas applicable car on me l’a promis.
- effet anticipé (≠ effet immédiat, ≠ rétroactif) : c’est un correctif à la légalité. On le
définit comme un moyen de faire appliquer la loi avant son entrée en vigueur.
Ex : le propriétaire d’un terrain en pente veut construite un chalet de deux étages. La
loi permet deux étages et un toit. L’administration cependant n’est pas d’accord et elle
lui refuse le permis de construire. Selon elle, il y a parfois des cailloux et des sapins
qui tombent donc c’est trop dangereux de construire à cet endroit. Donc il faut dézoner
(interdire la construction). L’administration, ici, interdit sans loi car il y a effet anticipé
des plans d’aménagements.
- Exception au principe « pas d’égalité dans l’illégalité »
Ex : on va se demander si un chalet construit de manière illicite (dans notre exemple
ci-dessus, un chalet construit avec trois étages) permet aux autres de construire leur
chalet de la même manière (dans l’illicéité) en arguant qu’ils en ont aussi le droit
puisqu’un chalet a déjà été construit de la sorte.
Normalement, c’est impossible, on dit qu’il n’y pas d’égalité dans l’illégalité.
Il y a cependant une exception lorsque l’administration persiste dans la violation de la
loi (elle permet l’illégalité). Dans ce cas, c’est possible.
2. La liberté d'appréciation
2.1. La notion
Attention à la terminologie qui est fluctuante.
La liberté d’appréciation est liée à l’application de la loi.
Définition : C’est la faculté octroyée aux organes étatiques de choisir entre plusieurs
solutions quand ils appliquent la loi. C’est un synonyme d’opportunité.
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L’opportunité est d’ailleurs un usage de la liberté d’appréciation.
Explication de la définition :
Faculté de choisir : elle est relative car le pouvoir est contrôlé. On indique quel est le choix.
Cela n’a rien à voir avec l’administration discrétionnaire qui ne donne pas seulement la
faculté de choisir entre plusieurs solutions mais de choisir entre n’importe quoi.
Faculté octroyée aux organes de l’administration : elle n’est donc pas octroyée aux organes
de recours. C’est la caractéristique de l’autorité administrative.
L’administration doit être perçue comme une pyramide. Tant qu’on reste dans la pyramide
pour faire recours, on va bénéficier de la liberté d’appréciation. Mais si on sort de la pyramide
et qu’on va au tribunal (Tribunal administratif), on n’aura pas de liberté d’appréciation car il
n’y aura pas d’examen de l’opportunité (77,78 CPJA ; 104 OJ : pas de recours en
opportunité). Pour un recours administratif dans l’administration, on aura pour les faits,
l’examen de l’opportunité : 44ss PA (voir surtout l’art. 49 PA).
Faculté d’agir ou de s’abstenir : l’administration est libre (≠ liée) quand la loi contient des
phrases du type : « l’Etat peut », « l’administration statue librement »,… Par ces formulations,
le législateur veut montrer que l’Etat est libre d’octroyer ou non.
La deuxième liberté est le choix entre plusieurs solutions données par le législateur.
Ex : choisir la sanction parmi les « solutions » données par le législateur (ex : renvoi, blâme,
amende lors d’une tricherie aux examens.
Il y a un ? (point d’interrogation) à état de fait car certains auteurs disent aussi que la liberté
d’appréciation se trouve dans notre façon d’apprécier les faits (Zufferey est contre…).
Attention : on parle de la liberté dans l’application de la loi mais pas de la liberté
d’appliquer ou non la loi !
2.2. Les limites
(Tableau 15 en bas)
Il y a deux cas : l’excès et l’abus
Il faut faire attention à la terminologie !
L’art. 49 PA ; 104 OJ ; 77 CPJA sont des dispositions qui énumèrent les griefs pour faire
recours. Dans un mémoire de recours on aura deux parties principales :
- les griefs : violation du droit, constatation des faits, opportunité
- la conclusion (partie très importante) : contient ce qu’on demande
La violation d’un droit, on peut l’invoquer y compris l’excès ou l’abus du pouvoir
d’appréciation. Il y a justement une petite controverse sur les termes liberté et/ou pouvoir
d’appréciation. Quand on parle des sanctions pour excès ou abus, on doit dire pouvoir
d’appréciation. Certains auteurs pensent que liberté d’appréciation et pouvoir d’appréciation
sont deux choses distinctes. Zufferey est de l’avis contraire.
Excès négatif : déf : l’autorité n’utilise pas la faculté que la loi lui donne. On a le droit de
choisir mais on a l’obligation de choisir.
Ex : L’administration pense qu’elle est liée et elle dit : il n’y a pas besoin de motiver que
l’examen du permis de conduire coûte 150 CHF. Mais en fait, il n’est pas dit dans la loi que
c’était 150 CHF, la loi donne juste une fourchette. Et si l’administration dit qu’elle est liée,
elle fait ici un excès négatif de son pouvoir d’appréciation.
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Ex : ATF 96 I 550 : il est question d’attribuer un territoire de chasse entre deux groupes de
chasseurs (tout deux candidats à l’acquisition de ce territoire). L’autorité ne sait pas comment
choisir entre ces deux groupes. Elle décide de mettre les billets dans un chapeau. Le groupe
qui a perdu attaque la décision. Le TF casse la décision et dit qu’on ne peut pas laisser le sort
choisir.
Excès positif : déf : l’autorité choisit une solution que la loi ne prévoit pas. On outrepasse le
cadre législatif.
Ex : l’autorité accorde une dérogation alors que la loi ne le prévoit pas. Par exemple, on dit
que pour installer des tables et des chaises dans la rue pour faire une terrasse, il faut une
autorisation. Le Mc Do veut faire une terrasse mais il n’a pas le temps de demander une
autorisation. L’administration dit : « bon, OK, ça va pour cette fois. ». Dans ce cas, elle
déroge à la loi alors que la loi ne prévoit aucune dérogation !
Ex : la commune décide de créer une zone piétonne alors que la loi ne le prévoit pas.
Ex : avec notre exemple précédent du coût de l’examen du permis de conduire, l’autorité
dépasse ou va en dessous de la fourchette.
Abus de la liberté d’appréciation : déf : l’autorité respecte les limites et le cadre. Mais la
liberté est utilisée d’une manière inadaptée (injustifiée, inadéquate).
Il y a cinq critères pour apprécier cela :
1) inégalité de traitement
2) constatation de la violation du principe de proportionnalité (≠ critère cumulatif mais
il peut l’être)
3) constatation de la violation du droit d’être entendu
4) motivation insoutenable dans les faits (≠ compréhensible non par rapport au droit mais
par rapport aux faits)
5) arbitraire (non seulement la solution est insoutenable mais elle aboutit à un résultat
insoutenable)
Ex : une commune ne finit pas un trottoir car un propriétaire de la rue concernée par ce trottoir
ne veut pas payer la plus-value que va coûter ce trottoir.
Ex : la législation sur les douanes donne le droit à certaines entreprises d’avoir des entrepôts
douaniers. Ikea voulait un tel entrepôt, mais l’autorité n’était pas d’accord : ATF 112 Ib 13.
Le Tf dit qu’il n’est pas abusif de ne pas accorder à Ikea cet entrepôt douanier.
3. La latitude de jugement
3.1. La notion
≠ liberté d’appréciation
On est dans la marge d’appréciation.
Déf : C’est la faculté octroyée aux organes administratifs de choisir entre plusieurs
interprétations d’une notion juridique indéterminée (le législateur a voulu être imprécis).
Faculté : oui, mais elle n’est pas absolue. On est dans un cadre de liberté beaucoup plus
restreint que pour la liberté d’appréciation. L’interprétation de la loi c’est le propre de la
légalité.
La tâche principale d’un tribunal administratif c’est d’interpréter la loi (contrôle de la
légalité). Donc, la latitude de jugement n’intervient seulement quand le tribunal laisse une
certaine liberté à l’administration. Ce n’est pas le législateur qui donne cette liberté mais le
tribunal. Le législateur a juste été imprécis (et il voulait être imprécis).
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Faculté de choisir entre plusieurs interprétations. Mais on ne sais pas lesquelles. La loi en
nous dit rien sur ces choix.
3.2. Les notions juridiques indéterminées
Interprétation d’une notion juridique indéterminée : le législateur considère que l’autorité
(par ex : l’autorité de première instance) est plus en mesure que le tribunal de donner à cela un
sens déterminé.
C’est une question de droit.
Le tribunal exerce son pouvoir de contrôle de la légalité avec retenue.
C’est rétrospectif : ce n’est qu’au moment du recours au tribunal administratif que le tribunal
va dire, je suis moins bien placé que l’autorité de 1ère instance pour donner un sens à cela. Ce
n’est qu’à ce moment-là que l’on voit qu’il y avait latitude de jugement
Ex : utilisé pour les preuves de moralités (appréciation) (par exemple pour ouvrir un café).
Ex : aptitude d’un automobiliste de conduite avec sécurité (OCR). Ici, c’est l’autorité de 1ère
instance (service automobile) qui est le mieux à même d’examiner cette aptitude.
Ex : dans la législation, il y a des règles techniques (par ex : « règles de l’art »). Les tribunaux
vont voir comment le préfet a compris ce terme.
Ex : avec le besoin démontré. On montre qu’on a droit à tant de patentes de ramoneur dans le
canton. Il y a une notion de besoin qui est génératrice de latitude de jugement.
Ex : avec les cas bénins. Dans un cas bénin, on peut renoncer à toute sanction. Quand est-ce
que c’est bénin,… Pour dire cela, on a une certaine liberté.
Ex : art. 3c LB : garantie d’activité irréprochable pour les banquiers.
Ex : maison aux couleurs du drapeau des USA. C’est beau ou non ? Le préfet a dit que ce
n’était pas assez vilain pour faire repeindre.
3.3. L'interprétation en droit administratif
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